The Witcher 2, sortie de l'écurie polonaise CD projekt, est considéré comme pièce maîtresse du RPG occidental de cette génération de consoles, faisant suite à un premier opus intéressant, sur lequel je n'avais malheureusement pas pu aller bien loin pour des raisons techniques liées à la boite de conserve qui me sert de PC.
TW2 nous conte l'histoire d'un sorceleur, Geralt de Riv, chargé de la protection du Roi Foltest, alors que ce dernier mène bataille au Royaume voisin dans l'unique but d'aller chercher ses gamins, fruit d'une ancienne liaison. Les choses tournent au vinaigre quand un assassin, dissimulé sous l'habit d'un moine (pourtant, tout le monde sait que les histoires d'habits et de moines nécessitent une certaine méfiance) met fin aux jours du monarque par un coup de poignard bien affuté, avant de prendre la poudre d'escampette. Resté sur place, Geralt se voit immédiatement accusé de régicide. Emprisonné, puis libéré (!), le sorceleur va devoir prouver son innocence et traquer le véritable coupable. Parcourant les terres du Nord à sa recherche, il va vite devoir se confronter autant à la faune locale qu'à l'arène politique, plongeant à ses dépens au milieu d'une lutte d'influence qui génère son lot de complots, révoltes, manœuvres de persuasion et d'exercice militaire.
L'univers du jeu ne brille pas par son originalité. Des elfes des bois, dont l'aspiration à l'élégance n'égale que leur maniement de l'arc. Des nains qui creusent dans des mines. Des elfes et des nains qui ne peuvent pas se voir en photo. Des hommes dévorés par l'attraction du pouvoir. TW2 est une énième copie du Seigneur des anneaux montrant l'incapacité patente d'une part de la création vidéoludique autant que de la littérature médiéval-fantastique (puisque le jeu est à la base une série de bouquins, si j'ai bien compris) à sortir des schémas tracés par Tolkien et à renouveler le genre. Cela étant, l'univers tissé par le jeu de CD projekt n'en est pas mauvais pour autant, le travail est bien là, et il reste agréable pendant toute l'aventure d'explorer des ruines antiques elfiques, de grimper sur les tours des châteaux, de traverser les cités des royaumes du Nord exhalant l'odeur du bois et de la pierre.
Si l'enveloppe du jeu est attrayante en terme d'atmosphère, la narration qui vient s'y intégrer manque un peu d'épaisseur. Le deuxième opus de The Witcher nous fait défiler une succession de personnages aussi inintéressants que plats, comme Triss Mergold ou Vernon Roche, qui se démarquent par leur manque de personnalité et dont, finalement, on se fiche éperdument . Geralt sauve la mise par quelques dialogues bien écrits, et dans l'ensemble un charisme qui fait mouche. Les scènes qui dévoilent son passé tendent à donner une profondeur au personnage qui fait défaut aux autres personnalités du casting. Mais l'histoire, au sein de laquelle il joue un rôle clé, n'est pas toujours bien passionnante en raison du manque de protagonistes marquants pour l'incarner contrairement à d'autres titres qui jouent aussi la carte de l'intrigue politique, comme Final Fantasy Tactics ou Tactics Ogre. Les quelques incohérences n'aident pas non plus. Par ailleurs certaines choses versent vite dans le caricatural, comme cette manie de fringuer toutes les demoiselles, mêmes guerrières, en tenue d'une légèreté extrêmement peu conventionnelle notamment pour pratiquer l'art de la guerre. Non pas que je n'aime pas les tenues légères chez les demoiselles, mais ça ne me paraît pas pertinent lorsqu'un jeu se targue d'être un jeu mature, traitant des thèmes matures en tentant de créer un univers cohérent. Malheureusement, la mise en scène ne constitue pas une alliée de taille pour épauler la narration tant elle est rigide, peu inspirée et trahie par les animations des personnages un peu bancales durant les phases de dialogues hors CG. La musique s'y fait très discrète aussi, les compositions manquent cruellement de relief et d'impact. Par conséquent, des scènes qui se veulent parfois épiques, parfois sombres, parfois cantatrices d'un élément important du scénario donnent irrémédiablement une sensation étrange de soufflé qui retombe. Les scènes en dessin animé injectent un peu de fraicheur dans cet océan d'austérité, en dévoilant des phases importantes de la vie de Geralt, ou en détaillant quelques-unes de ses réflexions, qui constituent parfois les réflexions du jeu lui-même. Mais il est dommage que les thématiques abordées parmi les plus intéressantes ne soient finalement qu'effleurées. Malgré tout, je retiens une fin du jeu globalement satisfaisante (globalement hein, parce-que la coccinelle...) qui rassasie par son lot de révélations et sa reconstruction du puzzle. Elle laisse attendre avec grand appétit TW3 (surtout la scène après le générique de fin).
En terme de gameplay, TW2 a eu la bonne idée sur le papier de proposer tout un panel de possibilités d'approche de la bataille regroupées en trois voies de compétences (mage, guerrier, alchimiste). 5 magies, imposées de base et qui le resteront pendant l'intégralité du jeu, une première originalité. Boule de feu, bouclier ou encore manipulation d'ennemis, les sorts accompagnent le combat à l'épée, Geralt pouvant choisir entre lame d'acier et d'argent. Autres perspectives de combat, les pièges (« mine » explosive, piège à ours,...), les dagues de lancer mais encore les bombes. Autant d'éléments qui permettent d'exploiter différentes tactiques d'exploitation de l'espace et de gestion de groupe et tendent à donner une certaine profondeur au gameplay. La création et l'utilisation de potions permet à Geralt de booster ses stats, c'est l'un des éléments clés de la voie de l'alchimiste. Cependant, après avoir testé nombre d'approches du combat, j'ai fini par me rendre compte que la voie du guerrier brutal, accompagné parfois de quelques sorts est bien souvent la stratégie de jeu la plus efficace. J'ai donc fini par constituer mon personnage sur ce modèle. Les pièges sont bien trop longs à poser et exposent trop facilement Geralt aux attaques ennemies en plein milieu de bataille. Trop dépendre des potions impose d'incessants aller-retours dans les menus pour crafter (bon, j'ai toujours détesté le craft), d'autant que leur consommation requiert que le sorceleur entre en méditation, ce qui suppose de ne pas être en phase de combat. Je n'ai pas donné un seul point de compétence en alchimie, contre à peu près 2/3 sur la voie du guerrier et 1/3 sur le mage. La diversité du gameplay trouve sa pertinence dans les premières heures, lorsque Geralt est particulièrement faible, et contraint le joueur à exploiter un maximum de possibilités pour survivre. J'ai enchaîné les game over les uns derrière les autres, le jeu me laissant croire de façon illusoire, en ce début de partie, qu'il jouait dans la catégorie hardcore. Mais comme un certain nombre de RPG, TW2 compte parmi ses défauts celui de la difficulté dégressive, qui a déjà pollué, entre autres, Skyrim et Demon's Souls/Dark Souls. Une fois le sort Quen (bouclier magique) grimpé à son niveau maximum, la sentence est prononcée. Geralt devient littéralement invincible sur les deux prochains coups reçus, bloque le poison, et se désensibilise aux flammes, rendant obsolètes une bonne part des autres facultés offertes par le gameplay. Je n'ai pas pour autant roulé sur le jeu par la suite, les combats demandent malgré tout une certaine attention (car la vie baisse vite et les potions de soin n'existent pas), mais il m'a opposé beaucoup moins de résistance. Le système de jeu, malgré ses défauts, m'est resté néanmoins plaisant, délivrant des affrontements parfois bien jouissifs. Petit mot sur les quêtes annexes, de qualité inégale en terme de narration, elles sont bien souvent prétexte à aller taper du monstre. Les quêtes comme celle qui nous fait rencontrer le Golem à Loc Muinne sont malheureusement trop rares.
En définitive, The Witcher 2 n'est, pour moi, pas le grand jeu que tout le monde scande sur les toits. Un scénario pas toujours intéressant, des personnages un peu creux, un gameplay sympa, plein de bonnes intentions, mais pas très bien équilibré. L'univers est classique mais efficace. Un jeu agréable, qui m'a procuré du fun, mais à qui il manque beaucoup de choses à mon sens pour être une référence. J'attends The Witcher 3, pour voir comment les développeurs vont prolonger la scène diffusée à la fin du générique de fin. Et surtout, j'ai hâte de voir ce qu'un Witcher en open-world va donner.